Ce mardi 28 octobre 2025 marque le 36ᵉ anniversaire de la mort de l’écrivain Kateb Yacine. Figure incontournable de la poésie et de la dramaturgie algérienne, il continue d’inspirer les artistes. À cette occasion, sa belle-fille, la réalisatrice Taghzout Ghezali, lui consacre un documentaire-hommage intitulé Des hommes libres.
Entre mémoire glorifiée et oubli collectif
« Quand Kateb Yacine est décédé en 1989, juste après sa mort on l’a glorifié comme LE poète et L’écrivain algérien de renommée internationale… Mais dans le même temps on enlevait ses écrits de nos manuels scolaires », confie Taghzout Ghezali.
Le paradoxe d’une mémoire à la fois sanctifiée et oubliée, que cette jeune réalisatrice de film documentaire a voulu élucider dans son tout premier long métrage, Des hommes libres.

Présenté pour la première fois lors des Rencontres cinématographiques de Béjaïa, Des hommes libres dure 66 minutes. Le film rassemble des témoignages émouvants de proches de l’écrivain. Des archives familiales précieuses en constituent le fil rouge. On y découvre aussi la relation entre Kateb Yacine et son fils, Amazigh Kateb, qui s’y livre à cœur ouvert.
Démythifier l’auteur sans effacer l’homme
« Quand j’étais petite, Kateb Yacine était d’abord un mythe pour moi. Je ne connaissais que son nom et son œuvre majeure, Nedjma… », raconte Taghzout Ghezali.
La réalisatrice souhaite avant tout démythifier l’auteur, sans pour autant remettre en cause son héritage.
« Le but du film n’est pas de déconstruire l’homme, mais de déconstruire le mythe autour de l’homme », précise-t-elle.
Elle évoque plusieurs idées reçues encore répandues :
« Kateb Yacine n’a écrit qu’en français », « il n’a écrit que pour les Français », « il n’a produit qu’une seule œuvre… »
Il existe vraiment ces mythes autour de Kateb Yacine, et c’est cela qu’elle a essayé de déconstruire dans son film, appuie la jeune réalisatrice, belle-fille de l’écrivain.

Une fracture née dans les années 1980
Selon elle, le mythe autour de Kateb Yacine est le fruit d’une fracture apparue dans les années 1980, accentuée après sa mort.
« Si on veut connaître notre histoire, c’est à travers l’école. L’effacement de ses textes des manuels scolaires a contribué à le rendre inaccessible… Mais nous avons tous un travail de mémoire à faire », souligne-t-elle.
Ainsi, Des hommes libres s’impose comme un film essentiel pour comprendre la transmission interrompue d’une mémoire littéraire nationale.
Un écrivain du peuple et pour le peuple
J’écris en français, mieux que les Français, pour dire que je ne suis pas Français
Kateb Yacine
« Kateb Yacine a écrit beaucoup de pièces de théâtre en arabe, qui sont devenues très populaires, comme Mohamed prends ta valise. Avec ses comédiens, ils ont travaillé ensemble pour traduire de nombreux textes en arabe et mettre en scène des sujets qui touchaient vraiment la société algérienne, la vie du peuple algérien, comme l’immigration, l’oppression ou encore les droits des femmes.
Kateb Yacine voulait écrire pour le peuple, s’adresser au peuple, et c’est cela que je voulais mettre en avant », conclut la réalisatrice.
