Et si la meilleure façon de comprendre un pays passait par les mots qu’on ne trouve dans aucun dictionnaire ? C’est le pari audacieux de Algérie, tu l’aimes ou tu la kiffes, un ouvrage signé Smaïl Chertouk et illustré par Sarah Handala, connue sur les réseaux sous le nom de Berberewoman. Publié à compte d’auteur avec le soutien du Collectif Day Z en France, puis réédité par Dalimen dans une édition enrichie en Algérie, ce livre transforme les expressions de tous les jours en véritable trésor culturel.

Expressions et réalités du quotidien
Oubliez les définitions académiques et les analyses froides. Ici, on vous propose plutôt un voyage au cœur du quotidien algérien, guidé par ces mots intraduisibles qui font sourire, réfléchir et parfois même grimacer. On y égrène la pop culture DZ : du mystérieux S12 (ce fameux papier administratif qui hante les cauchemars), en passant par hitiste, inzoidjable ou encore Papicha, la Lolita urbaine algérienne. Chaque entrée de cet abécédaire décortique avec tendresse les situations et insights qui façonnent la vie en Algérie.
«J’adore les mots des gens. J’ai toujours dit que j’aime écrire à hauteur des gens, c’est-à-dire ce que les gens disent au quotidien, la langue qu’ils inventent», confie l’auteur.
Une démarche qui va à contre-courant des approches académiques et permet de saisir cette tension particulière que vivent les jeunes générations entre leur langue de tous les jours et les normes établies. Cette passion transparaît à chaque page, où se mêlent anecdotes savoureuses et éclairages historiques, le tout servi avec une bonne dose d’autodérision.
Voir cette publication sur Instagram
Car c’est bien là le fil rouge de l’ouvrage : cette capacité unique à rire de soi-même, ce talent particulier pour transformer la frustration en blague collective. Loin d’être superficielle, cette autodérision révèle selon l’auteur un trait fondamental de l’identité algérienne, une soupape de sécurité sociale qui permet de «désamorcer la colère pour en faire du rire partagé».
Le livre ne se contente pas de collecter des expressions typiquement algériennes. Il offre les clés pour décoder des comportements, comprendre des réflexes sociaux et saisir ces nuances culturelles qui échappent souvent aux non-initiés. En fixant ces mots sur le papier, Chertouk accomplit un geste de sauvegarde. Cette langue vivante et composite, née du brassage historique et de l’inventivité populaire, mérite d’être préservée avant qu’elle ne s’efface.
Loin de figer l’Algérie dans une définition rigide, l’ouvrage se veut un « »passeport populaire» », un guide affectif pour découvrir le pays tel qu’il se vit au quotidien. Une approche humble mais ambitieuse, qui fait rire, réfléchir et transmettre à parts égales. Un hommage à la darja, au patrimoine national et à tous ces petits riens qui font l’Algérie… avec cette pointe d’humour qui fait toute la différence.
Mais l’ouvrage va plus loin : il rend aussi hommage à des figures culturelles marquantes comme la peintre Baya, Aïssa El Djermouni, Line Monty ou le penseur Mohamed Arkoun, rappelant que l’Algérie est aussi «un paysage de talents».
Parcours éclectique et nouveaux horizons
Scientifique devenu journaliste puis consultant en stratégie, Smaïl Chertouk se définit comme un «auteur amusé et amusant». Après Rupture Tranquille et iPhone à la folie chez Fortuna Éditions, puis Néojolismes chez Alpius Éditions, il persiste dans sa philosophie avec légèreté. Il s’entoure aussi d’alliés créatifs : Sarah Handala apporte sa touche visuelle singulière. Cette illustratrice talentueuse consacre son art à mettre en lumière les femmes amazighes et leur héritage, créant ainsi un dialogue parfait entre texte et image.
Dans la continuité de ce parcours, Smaïl Chertouk présentera également « Étrangers de souche », mis à l’honneur lors de deux rendez-vous incontournables.
Le premier aura lieu le 11 octobre à 15 h, au Sénat à Paris, sur invitation du sénateur Akli Mellouli (plus d’informations à venir). Le second se tiendra le mercredi 16 octobre à 18 h 30, au CIDJ, toujours dans la capitale française, dans le cadre de la Semaine de lutte contre les discriminations. Deux occasions de découvrir l’univers de cet auteur qui sait manier les mots avec autant d’humour que de profondeur.
