Le tatouage, c'est la tendance du moment, et le tatouage amazigh n'y échappe pas ! On assiste à un véritable engouement, que ce soit en Algérie ou chez la diaspora. Les jeunes se réapproprient cet art ancestral, le modernisent et le partagent fièrement sur les réseaux sociaux et le revendiquent comme un symbole de leur identité. Les motifs traditionnels sont revisités, adaptés aux goûts contemporains et intégrés à des créations artistiques variées.
Un héritage millénaire revisité
Le tatouage amazigh, ou ticṛaḍ en tamazight, est une pratique millénaire. Elle a traversé les siècles, évoluant avec croyances et pratiques sociales. Les Égyptiens représentaient des guerriers amazighes tatoués. Cette coutume perdura en Afrique du Nord, notamment en Algérie, jusqu'au déclin des dernières décennies du XXe siècle. La montée de l'islamisme dans les années 1990 contribua à sa diabolisation, perçue comme contraire aux préceptes religieux. Plus qu'un ornement, le tatouage amazigh est un langage symbolique. Chaque motif, emplacement corporel, a une signification précise : protection, fertilité, force ou appartenance tribale. Les symboles géométriques (losange, triangle, spirale) et les représentations animales (lézard, scorpion, oiseau) sont courants. L'encre, composée de suie ou d'anémone (khôl), était appliquée avec des aiguilles ou des épines dans un geste spirituel. Les formes géométriques (losange, trait vertical) symbolisent la protection, la fertilité, l'harmonie, tandis que les animaux évoquent la force, la résilience.

Chez les femmes, le tatouage marquait le passage à l'âge adulte et la féminité, un rite d'appartenance communautaire et parfois un "certificat de nubilité". Il avait aussi une fonction thérapeutique, protégeant contre les maladies des mauvais esprits. Dans les Aurès, le tatouage se distingue en lušam (décoratif) et ahjam (thérapeutique). En Oranie, il a une connotation ornementale et symbolique. Le losange sur l'avant-bras était un talisman contre la stérilité ou encore le trait entre les sourcils appelé « El chahed » (le témoin), marquant d'une trace indélébile une promesse faite à tiers, à soi ou à Dieu. En Kabylie, le tatouage est appelé Tčrad. Il revêt différentes formes et représentations, comme le révèle l'étude ethnographique sur le tatouage chez les femmes kabyles dans les deux régions de Kabylie Ifigha et Bouzguéne menée par Sonia Inchekel et Louiza Boudjema, qui donnent la parole à des doyennes tatouées.
« J'ai fait ce tatouage qui est sur mon bras comme un bracelet, et sur le cou comme un collier. Je les ai considérés comme des bijoux. » Na Malha (81 ans, du village Ait Wizgen)
En effet, les femmes kabyles se faisaient tatouer autrefois des motifs en forme de bijoux, tels que des colliers (tazlegt) ou des bracelets (ameclux). Certains motifs rendent hommage à la nature, comme le papillon (Afertettu), l'abeille (Tizizwit) ou le mille-pattes (Times n wadu).

De nos jours, les motifs traditionnels amazighs sont revisités par les tatoueurs et les tatoués. On les retrouve sur les bras, les jambes, le dos, dans des versions minimalistes ou plus élaborées. Le tatouage amazigh devient un moyen d'expression unique, un mélange de tradition et de modernité. « Cela a commencé avec l'arrivée d'Elija – du premier né dans la famille. Je me suis fait tatouer une feuille de dattier (j'ai lu quelque part que la datte est associée à la naissance d'un enfant, car l'amour qu'on leur porte est aussi sucré). Cela s'est fait tout naturellement avec la naissance des jumeaux. Je choisis des signes féminins. Un de mes tatouages est composé de trois de ces symboles, qui font référence au foyer et à l'attache à la mère nature, c'est comme un cycle de la vie. » nous confie Menel Z. doctorante.
En choisissant de marquer sa peau de symboles chargés de sens, Menel Z. s'inscrit dans un mouvement de réappropriation de la culture amazighe, la faisant dialoguer avec son expérience personnelle et son identité de femme moderne.