Extraordinaire et époustouflante fut la dernière représentation de Oueld E'ttir, le nouveau projet Chaâbi de Karim Bouras, le 12 avril dernier, à la salle Ibn Zeydoun d'Alger. Porté par une vingtaine de musiciens et une dizaine de choristes sous la direction magistrale de Fatheddine Mehalla, ce spectacle a permis au public de redécouvrir avec émotion des airs familiers tels que « Lahmam li rabbitou », « Zoudj h'mamet », « El Gomri », et « Ana Touiri». Une véritable célébration, brillamment mise en lumière par Karim Bouras.
Suite à cette performance exceptionnelle, nous avons rencontré Karim Bouras pour une interview exclusive.

Karim Bouras, présentez-vous ainsi que votre projet à nos lectures.
Je suis Mohamed Karim Bouras, chanteur, auteur et compositeur de chaâbi. Je viens de l'école andalouse. J'ai eu l'honneur d'apprendre auprès de grands maîtres tels que Cheikh Smail Hanni, Abdeslam Derrouache et Cheikh Liamine. Ces artistes, reconnus et respectés dans le milieu, sont eux-mêmes les disciples de figures emblématiques comme Abdlkerim Dali et Hadj Mohamed Al-Anka. Fort d'une expérience de plus d'une dizaine d'années, je m'inscris dans la continuité de cette tradition. Avec mon orchestre, nous nous efforçons de perpétuer cet héritage afin que le chaâbi algérien ne tombe pas dans l'oubli. Mon ambition est d'apporter une touche de fraîcheur à ce genre musical, sans pour autant le dénaturer. Je préfère parler de chaâbi actuel plutôt que de chaâbi moderne.
Oueld E'ttir, est mon premier projet solo qui célèbre la présence des oiseaux dans le répertoire chaâbi. Mon intention n'était pas de créer quelque chose de radicalement nouveau, mais plutôt de présenter au public des morceaux qu'il connaît et apprécie. L'objectif était de susciter l'intérêt et de captiver l'auditoire.
La symbolique des oiseaux est au cœur de votre spectacle. Vous avez subtilement mis en lumière un sujet à la fois omniprésent et délicat. Pourriez-vous nous éclairer sur la signification de ces oiseaux dans la culture algérienne et nous expliquer comment ils s'intègrent à votre vision du chaâbi ?
Le thème des oiseaux s'est imposé avec une évidence naturelle. Le patrimoine chaâbi et andalou regorge de références à la faune et à la flore. Les oiseaux y occupent une place de choix, souvent empreinte de symbolisme, évoquant le printemps, le renouveau, l’audace, la liberté ou encore la délicatesse.
Un élément central de ma réflexion est en lien avec le grand maître du chaâbi, El Hadj Mohamed El Anka. Son nom même, « El Anka », désigne le phénix, cet oiseau mythique qui renaît de ses cendres. Selon ma théorie, lorsque El Hadj Mohamed El Anka s'est éteint, le phénix a trouvé une nouvelle incarnation en Cheikh Amar Ezzahi. Il est impératif qu'un nouveau phénix émerge pour perpétuer cet héritage. La scène chaâbi algérienne ne saurait se passer de son « Anka ». Je n'ai pas la prétention de l'être, mais j'aspire à..

Le chaâbi est un genre musical riche en poésie et en histoire, mais aussi en constante évolution. Comment votre projet Ouled E’ttir contribue-t-il à préserver et à transmettre cet héritage aux nouvelles générations ?
Nous avons opté pour un format hybride, mariant un orchestre traditionnel de chaâbi avec une formation classique et un chef d'orchestre. Cette approche, qui inclut une chorale et des partitions, est encore peu explorée. La section rythmique était composée d'un guitariste et d'un bassiste, et nous avions quatre percussionnistes sur scène. Les solistes ont apporté la touche chaâbi avec des instruments tels que le qanun, la mandoline et le violon. L'objectif était de conserver l'essence du chaâbi tout en y intégrant des éléments exogènes.
Je pense que cette expérience a été une réussite.
Quels sont vos espoirs et vos aspirations pour "Ouled E’ttir" ? Et qu'en est-il de son exportabilité et de sa mobilité ?
L'orchestre est conséquent, composé d'une vingtaine de musiciens et d'une dizaine de choristes. Cependant, nous avons la capacité d'adapter le format pour faciliter la mobilité et l'exportation. Nous pouvons proposer une version réduite avec 7 à 8 musiciens, comprenant une basse, une guitare, un piano, un soliste, les percussions et moi-même. Tout est envisageable.
Ce projet a nécessité une année de gestation, et nous espérons le faire vivre durablement. L'objectif est de toucher un large public et de transmettre un message de renouveau et de fierté à travers la musique chaâbi.