C’est dans le sous-sol de l’immeuble J3, aux 612 logements, situé dans le quartier populaire de Sidi Djilali, à Sidi Bel Abbès, à l’ouest de l’Algérie, que se cache l’un des musées unique en son genre. Un lieu singulier, à la fois gardien de la mémoire artistique et témoin des imaginaires populaires : le musée de la marionnette Ghanja.
Fondé en 2000 par le marionnettiste et plasticien Kada Bensemicha, artiste aux multiples talents, ce musée dépasse largement le cadre d’une modeste collection de poupées. Il offre une immersion dans l’univers foisonnant des marionnettes et tisse un pont entre le patrimoine algérien et les traditions théâtrales du monde entier.

Le nom « Ghanja » s’inspire du mot amazigh Taghenjait, qui désigne une vaste louche ornée de foulards multicolores, autrefois utilisée dans des rituels ancestraux pour invoquer la pluie. Ces pratiques, vernaculaires et pan-amazighes, ont perduré en Algérie jusqu’à la seconde moitié des années 1950. Kada Bensemicha en garde d’ailleurs quelques bribes de souvenirs, transmis par les récits familiaux. Objet hautement symbolique, la Taghenjait incarne la fertilité et l’abondance, devenant ainsi l’emblème du musée. À travers ce choix, le musée Ghanja rend hommage aux croyances ancestrales des communautés amazighes et s’inscrit dans une démarche de transmission d’un patrimoine culturel immatériel essentiel.
Aujourd’hui, le musée abrite une collection riche de plus de 400 pièces. On y découvre des créations originales signées Kada Bensemicha : Danseuses chaouies, Guerriers tamaheq, Mariée tlemcenienne, Danseurs de alaoui — tous sortis de l’imaginaire de l’artiste. Mais également des marionnettes venues des quatre coins du monde : Espagne, Grèce, Japon, Inde, Mexique, entre autres. Des silhouettes de cuir finement découpées issues du théâtre d’ombres asiatique aux marionnettes Wayang Kulit de Java et de Bali, chaque pièce témoigne de la diversité des techniques, des esthétiques et des traditions associées à cet art millénaire. Chaque objet raconte une histoire, incarne une culture, révèle un savoir-faire.
Bien plus qu’un lieu de conservation, le musée se veut un espace vivant, interactif et ouvert à toutes et à tous. Il offre un cadre propice à l’émerveillement, à l’apprentissage et à l’échange. Petits et grands sont invités à découvrir la richesse des arts de la marionnette à travers des spectacles, des séances de contes, des expositions thématiques et des ateliers. Ces activités favorisent le dialogue interculturel et contribuent à la valorisation des savoir-faire traditionnels.
Grâce au soutien de la coopérative Eddik et de l’association Ghanja pour la culture et les arts, le musée propose également des formations, des ateliers et des résidences d’artistes, renforçant ainsi son rôle de laboratoire de création et de transmission. Véritable lieu de refuge et point d’ancrage pour les jeunes du quartier, il agit aussi comme un espace de ressourcement artistique et citoyen.
Le musée Ghanja est un lieu de mémoire, de création et de rencontre. Il joue un rôle fondamental dans la mise en valeur du patrimoine algérien, tout en célébrant la richesse universelle de l’art de la marionnette. Par sa vocation éducative et culturelle, il contribue à tisser des liens entre les peuples, à transmettre les traditions locales et à faire dialoguer les cultures à travers une forme artistique accessible, poétique et profondément humaine.