Un festival dédié aux femmes du Sahara
La Villa Boulkine à Alger s’est transformée en oasis culturelle dédiée aux femmes du Sahara. Le lieu a accueilli artistes et artisanes du Sud algérien pour célébrer leur création et leur savoir-faire. Cette dixième édition du Festival National de la Création Féminine, qui s’est tenue du 18 au 24 octobre 2025, a mis en lumière la richesse des traditions touarègues, mozabites et transsahariennes. En parallèle, les innovations contemporaines ont été mises en avant. Ces femmes perpétuent un matrimoine reconnu par l’UNESCO : l’Ahellil du Gourara et l’architecture du M’zab. Ces deux éléments symbolisent la transmission et le territoire.
Durant cette semaine, la Villa Boulkine, joyau architectural judicieusement choisi, s’est imposée comme un espace immersif. Littérature, chants, danses, débats et expositions ont rythmé la programmation et montré la diversité du génie saharien. Parmi les invitées figuraient Fawzia Chenna, Aïcha Bouiba, Fatima Almin, Siham Kanouch, Sayda Mahmoud Belhiadi, Wahiba Baali et Fatiha Tahiri. Chacune a porté une parole artistique forte et authentique. Les conférences ont exploré plusieurs dimensions du Sahara. Par exemple, Adila Katia a analysé la littérature féminine du Sud dans le cadre d’un hommage à Saliha Regad. De son côté, Yasmina Salam a revisité les pratiques culinaires autour du couscous algérien. En outre, le professeur Slimane Hachi a retracé les origines préhistoriques du désert. Enfin, Badi Dida et Mohamed Fatmi ont rappelé la valeur universelle de l’Ahellil du Gourara, inscrit au matrimoine immatériel de l’humanité.

Savoirs, transmission et virage numérique
Les ateliers vivants ont mis en avant des techniques ancestrales et des savoir-faire féminins. Ainsi, Maria Amara (Atelier Nomade Terafakt) a présenté la bijouterie touarègue, tandis que Nour Houda Kadiri a exposé la teinture naturelle. De son côté, Amina Tefridj a mis en avant le vêtement saharien et Aya Khemiss (École de formation professionnelle de Touggourt) la broderie traditionnelle.
La doyenne Hadaouiya Lansari (association Tudukalt) a partagé son expertise du travail du cuir. Ensuite, Soumaïa Chaâbane (Naâma) a présenté sa distillerie artisanale d’huiles végétales locales. Par ailleurs, Ghalia Bernaoui a exposé la poterie noire traditionnelle de Tamentit. Selma Sebah et Nadjet Hamoudi ont montré leurs créations issues de Bou Saâda. Enfin, l’association Tirselt Aghlane de Ghardaïa, représentée par sa présidente Nadia Ammi Moussa, exposait ses tapis du M’zab, véritables œuvres de patience et de matrimoine.
Ziara Culture, partenaire du festival, a animé une masterclass sur la transition numérique des artistes du Grand Sud. Cette initiative a encouragé la professionnalisation et la visibilité à travers les outils digitaux.

Mode et design saharien : concours et inspirations
Le festival a consacré une section très attendue à la mode et au design inspirés du Sahara. Le concours de stylistes a rassemblé des créatrices et créateurs venus de différentes régions du pays. Bien que certains ne soient pas originaires du Sud, ils ont puisé leur inspiration dans les palettes oasiennes et sahariennes. Le défilé, haut en couleurs, a révélé la richesse des influences sahariennes dans la création contemporaine féminine.
Parallèlement, l’exposition de bijoux a proposé un véritable voyage à travers les traditions ornementales du désert. Les parures en argent ciselé, skhabs parfumés, colliers de cuir et pierres semi-précieuses ont montré la continuité entre savoir-faire ancestral et design contemporain.

Chants, artisanat et émotions partagées
La musique a constitué le fil rouge du festival. Tout au long de la semaine, les journées et les soirées musicales ont réuni Bnat Al Maghra de Timimoun, Niliya de Tindouf et le groupe Tihjilat d’Ihrir. Ce dernier a clôturé les festivités sur les rythmes envoûtants du tindé.
En outre, les artistes Fadimata Alamin et Fatma Kaoula (association Imzad – Tazmaert) ont ému le public. Fille et petite-fille de la légendaire Khaoulen, virtuose de l’imzad, elles incarnent la transmission d’un art féminin ancestral.

Galerie d’art et jeunes talents
En partenariat avec l’AARC, la galerie d’art, commissariée par Myriam Aït Lhara, a réuni peintres, plasticiennes et photographes venus d’horizons variés : Meriem Ouani (photographe, In Salah), Ferrah Fatiha (Tizi Ouzou), Nabila Lkf Art (Djelfa), Raouya Ferradji (Hassi Messaoud), Meroua El Khir (In Salah), Nour Tayeb Ezzaraimi, Salma Bouhired (Alger), Hamoudi Abdelatif (Constantine) et Belkhiri El Bahi Yahia (Djelfa).
Une section « Success Story » a mis en lumière Djamila Mansouri, Ben Djaouen Afifa (médias) et Mabrouka Khirani, fondatrice de Temet Travel. Ces femmes illustrent la réussite de celles qui savent conjuguer créativité et entrepreneuriat.
Une décennie d’engagement au féminin
Entre expositions, ateliers et spectacles, la Villa Boulkine a offert une expérience sensorielle et humaine unique. Loin d’un simple événement culturel, le festival a créé un dialogue fécond entre générations et territoires, confirmant son rôle d’espace de transmission et de reconnaissance.
En célébrant sa dixième édition, le Festival National de la Création Féminine s’affirme comme un rendez-vous incontournable de la scène culturelle algérienne. Il rappelle que la culture du Sud, loin d’être figée dans le passé, continue d’inspirer le présent et de tracer l’avenir.
Enfin, la lumière du Sahara a traversé Alger. Elle a apporté la promesse d’une création féminine toujours plus libre, plus visible et plus rayonnante.