En Algérie, le premier jeûne d’un enfant est un événement marquant, célébré avec des rituels spécifiques selon les régions. Ces cérémonies, variant selon les coutumes locales, visent à souligner l’importance de cette pratique religieuse et à mettre en évidence les valeurs qui y sont liées, tout en marquant le début de l’âge adulte, étape déterminante de l’enseignement religieux et spirituel de l’enfant.
Dzidia a sélectionné pour vous quelques villes où ces cérémonies prennent une dimension particulière.
Au Gourara, au Pays Zenète
Au Gourara, chez les Zenètes, le premier jeûne des enfants pendant le Ramadan est une célébration majeure. Les enfants, au centre de l’attention, sont invités à rompre le jeûne dans différents foyers chaque soir, selon un calendrier préétabli. L’ensemble des jeunes jeûneurs se retrouve avant la rupture du jeûne dans une même maison, où ils sont accueillis avec des youyous. Les filles se parent du haïk maternel ou l’abergu, un haïk en laine en hiver. Celui-ci est attaché par une paire de fibules appelées localement tissghnesset ou takhlalt. Au poignet, elles portent le dabliz, bracelet massif typique des Oasis du sud-ouest, allant du Gourara à In Salah. Les garçons, eux, arborent l’abaya (tunique longue) et un chèche blanc sur la tête, symbole de piété dans la région.
Si cette tradition a presque disparu des grandes villes comme Timimoun et Charouine, elle perdure dans plusieurs oasis et ksour.
À Tlemcen
À Tlemcen, la première expérience du jeûne chez un enfant se transforme en une célébration d’une rare intensité. Après presque un mois de jeûne, c’est vers le 27e jour, «Leilat al Qadr», que l’on récompense les enfants pour leur courage. Durant l’après-midi, les enfants, parés de leurs plus beaux atours traditionnels – le burnous pour les garçons, la somptueuse chedda pour les filles – se rendent chez leurs proches et voisins, partageant avec eux la joie de cette étape importante. Les youyous, ces cris de joie, résonnent dans les ruelles, célébrant l’accomplissement de l’enfant et renforçant les liens de la communauté. L’enfant déambule dans le quartier où il est gratifié de cadeaux et douceurs comme zlabia, chamia et autres douceurs. Figure centrale de l’événement, á l’heure du ftour, l’enfant se voit attribuer une place de choix lors d’un festin familial, marquant son entrée dans le monde des pratiquants. La tradition locale, riche en symboles, veut que l’on offre à l’enfant un rituel de passage : la dégustation de lait et de dattes, ces dernières dissimulant un anneau d’or, signe de prospérité future. Un breuvage tonique, élaboré à partir d’eau de fleur d’oranger, vient parfaire ce moment de partage.
Kabylie
À la tombée du jour, lorsque le jeûne est rompu, l’enfant est traditionnellement conduit sur le toit, la terrasse ou une clôture, un geste qui le rapproche du ciel et de la spiritualité mais aussi selon certaines sources, pour le valoriser, qu’il ou elle soit toujours le leader. On lui présente alors un plateau garni de trois œufs durs, symboles de vie et de fertilité, d’un pain traditionnel à l’huile d’olive, gage de prospérité, et d’un pot en terre cuite rempli d’eau, signe de pureté. Une surprise attend l’enfant : une pièce de monnaie discrètement glissée dans le pot pour les garçons, ou un bijou en argent pour les filles, témoignage de l’affection et des vœux de bonheur de leurs proches. Ce rituel, à la fois simple et profond, célèbre l’effort de l’enfant et son entrée dans la communauté des jeûneur. A la fin du rituel, le garçon saute dans les bras de son père et la fille de sa mère. Cette tradition perdure dans plusieurs villages et a été réhabilité dans d’autres comme Azazga, Idjeur, Tizi-Rached,Illilten, Ouacif et Bouzguene.
Mila
À Mila, la rupture du premier jeûne d’un enfant est un moment de célébration empreint de traditions et de symboles. La préparation de la « Tamina », une douceur algérienne traditionnelle à base de semoule torréfiée de beurre et de miel parfumee de canelle. Traditionnellement préparé pour célébrer les naissances, elle prend ici une dimension symbolique de renaissance, marquant le passage de l’enfant à une nouvelle étape de sa vie spirituelle.
La Tamina, est préparée avec soin et partagée avec les voisins. Des assiettes de ce délice sont offertes en signe de joie et de partage, renforçant ainsi les liens de la communauté. Ce geste de générosité, ancré dans la tradition algérienne, témoigne de l’importance accordée à la solidarité et à la convivialité, valeurs essentielles lors des célébrations religieuses.
Alger
À Alger, pour annoncer l’heureux événement, les familles partagent leur joie avec leurs proches et voisins en distribuant généreusement la boisson traditionnelle, le cherbet, une limonade parfumée à l’eau de fleur d’oranger, à tous, y compris les passants, pour célébrer l’événement. Immédiatement après la rupture du jeûne, les femmes maquillent et habillent la petite fille, la parant d’un habit traditionnel, le Karakou, et de bijoux précieux. Certaines familles font même appel à un groupe ou orchestre de chaâbi local pour animer la soirée.
