Porté par la mise en scène de Méziane Azaïche et la direction musicale de Mohamed Abdennour, dit Ptit Moh, Les Dames du raï fait revivre au Cabaret Sauvage la mémoire des grandes chikhates à Paris, du 5 au 28 Septembre. Illustré par les images d’Aziz Smati, le spectacle met en lumière le destin de femmes longtemps marginalisées mais qui, par leur audace, ont marqué de leur empreinte l’histoire du raï.
Fella Japonia et Cheikha Hadjla, deux grandes figures de la scène raï contemporaine, rendent hommage aux chikhates comme Rimitti, Djenia ou Zahouania. Sur scène, la musique se déploie entre tradition et modernité : entre les percussions, l’oud et des arrangements qui parlent à notre époque. Plus qu’un concert, c’est une immersion dans les vies de celles dont les chants dérangeaient, parce qu’ils parlaient librement d’amour, de désir, de douleur et de quête d’identité.
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Le spectacle musical ressuscite une mémoire puissante : celle des chanteuses pionnières d’un courant musical né dans l’Algérie coloniale, porté par le courage, la liberté et la voix des femmes. À travers une scène mêlant chants, orchestre et récits de vies, le public est convié à comprendre pourquoi le raï, de ses humbles origines rurales aux grandes scènes internationales, mérite notre écoute et notre admiration.
Les Dames du raï est plus qu’un hommage : c’est un acte de mémoire, une célébration, une invitation à écouter autrement.
Un héritage culturel et social
Le genre raï, souvent associé aux années 80 et à des stars comme Cheb Khaled ou Cheb Mami, puise ses fondations bien plus tôt, dans les provinces de l’ouest algérien plus particulièrement à Oran. Issu des chants des vétérans (chouyoukh) et des traditions mélodiques bédouines, il s’est transformé au fil des décennies, traversant l’occupation, l’exil, les mutations culturelles pour devenir une expression musicale revendicatrice autant que festive.
Le raï n’est pas seulement un genre musical : c’est une forme de récit collectif. Il naît comme expression critique de la condition des femmes, des pressions sociales et du tabou. Les chikhates, dans l’Algérie coloniale, ont souvent été accusées d’immoralité pour avoir chanté librement, parfois dans des cabarets ou fêtes mixtes. Leur existence remet en question les normes patriarcales en vigueur.
Les artistes mises en lumière dans Les Dames du raï sont des repères, leur travail a souvent été occulté, critiqué ou méprisé pendant longtemps. Ce spectacle permet de redonner voix, visibilité et légitimité à des trajectoires singulières, tout en parlant d’un passé parfois douloureux ou censuré.
Au-delà de l’émotion, Les Dames du raï offre une expérience ouverte, pour ceux qui connaissent peu le raï, pour ceux qui veulent revisiter leur culture, et pour tous ceux intéressés par la musique comme miroir de l’histoire. Le spectacle ne se contente pas de chanter, il raconte, il interroge et ravive l’esprit de ces soirées où familles et amis se retrouvent.
