La rentrée littéraire 2025 en France ne se résume pas seulement à la parution de nombreux ouvrages signés par des auteur·rice·s d’origine algérienne. Elle est aussi marquée par l’ouverture d’une nouvelle librairie indépendante au cœur du 13ᵉ arrondissement de Paris.
Fondée par Hadjira, passionnée de culture et de transmission, la librairie Aïcha incarne bien plus qu’un projet professionnel : c’est la concrétisation d’un rêve d’enfance et un acte de résistance culturelle. Dans un contexte où la langue arabe peine encore à trouver sa place dans l’espace public, Aïcha se veut un lieu de lumière, de dialogue et de célébration de la diversité linguistique et littéraire.

Une librairie bilingue, un lieu d’ouverture
Avant d’ouvrir sa librairie, Hadjira a étudié la psychologie, mais c’est en 2019 qu’elle décide de suivre une formation pour devenir entrepreneure. C’est là, dans cette métamorphose concrète, que sa vision prend forme : faire de la culture arabe un droit, pas une curiosité.
Ici, les rayons rassemblent autant d’albums jeunesse que d’essais, de bandes dessinées ou de livres de cuisine.
« C’est un univers qui propose de découvrir ou de redécouvrir le monde arabe à travers la littérature, la philosophie, la religion, les loisirs créatifs… »
Dans ses rayons, les mots circulent entre deux langues, deux rives, deux histoires. C’est plus qu’un commerce : c’est un lieu de résistance culturelle, une déclaration d’amour à une langue trop souvent réduite au silence.
Un rêve d’enfance devenu un acte d’émancipation
« L’ouverture de la Librairie Aïcha signifie pour moi beaucoup de choses… c’est réaliser un rêve d’enfance né dans les années 80 en Algérie » confie Hadjira.
Mais ce rêve est aussi un geste fort ; « C’est une forme d’entrepreneuriat au féminin, dans un monde qui reste encore patriarcal, où la femme doit sans cesse prouver sa place. »
Derrière les étagères et les piles de livres, il y a le parcours d’une femme qui refuse les cases.
« Je ne suis pas juste algérienne. Je suis aussi française, maghrébine, africaine, féministe, maman, arabe et musulmane. »
Hadjira parle avec calme, mais ses mots résonnent fort : créer, diriger, exister, en tant que femme, maghrébine et musulmane, c’est déjà bousculer un ordre établi. Sa librairie est à la fois un refuge et un miroir : celui de toutes celles qui, comme elle, construisent des espaces de liberté là où personne ne les attend.
L’ouverture comme horizon
À travers la Librairie Aïcha, Hadjira défend une vision : celle d’une culture en mouvement.
« J’insiste sur le mot ouverture. Parce que c’est aussi l’ouverture vers l’autre, vers l’étranger. Une ouverture de dialogue et d’échange autour de notre monde arabe et de tout ce qu’il inclut. »
Le lieu devient un espace de conversation, un endroit où les livres réparent des silences, rapprochent des imaginaires et redonnent de la visibilité à des auteurs souvent ignorés.
Un hommage et une transmission
« Pour moi, c’était une évidence de l’appeler Librairie Aïcha. C’est le prénom de ma maman, Aïcha », dit-elle avec émotion.
« C’était une manière de lui rendre hommage de son vivant, de la rendre fière de la fille qu’elle a élevée et qu’elle aime tant. »
Mais ce choix a aussi une résonance spirituelle :
« Aïcha, c’est aussi le prénom de la femme du prophète Mohamed que la paix soit sur lui. Ce n’est pas juste un prénom, c’est toute une symbolique. »
Entre hommage maternel et référence culturelle, le nom devient manifeste : il relie la filiation intime à la mémoire collective.
« L’ouverture, c’est aller vers l’autre. Vers le dialogue, vers la rencontre. »
La Librairie Aïcha, c’est une promesse tenue, celle d’un monde où les langues ne s’affrontent plus, où les femmes créent sans permission, où la culture redevient un droit fondamental. Entre deux alphabets, Hadjira a ouvert un passage et chaque lecteur qui y entre emporte un peu de cette lumière.
Librairie Aicha : 167 Rue de Tolbiac, 75013 Paris, France
Instagram : @librairie.aicha
